Bon nombre de professionnels libéraux ont le sentiment de devoir supporter une charge annuelle fiscale trop importante. Le barème de l’impôt sur le revenu est en effet progressif : plus le résultat est élevé, plus le taux de l’impôt sur le revenu augmente. Et ce taux peut s’élever jusqu’à 45 %, sans compter les compléments fiscaux pour les revenus les plus importants.

Mais bien souvent, si la note fiscale s’avère salée aux yeux des professionnels libéraux, c’est en raison de l’absence d’organisation de leur revenu. Le « nez dans le guidon », focalisés sur le développement de leur activité afin de développer leurs revenus, les professionnels libéraux oublient régulièrement l’économie fiscale qui pourrait être réalisée en scindant leurs revenus en plusieurs catégories qui répondent à des règles qui leurs sont propres.

Organiser ses revenus suppose d’agir en deux temps :

  • Créer une structure sociétale permettant de catégoriser ses revenus.
  • Classer ses revenus entre la rémunération qui résulte du travail (le salaire ou la rémunération de gérance) et ce qui découle du savoir-faire (le dividende).

Pour apprécier concrètement l’économie fiscale qui pourrait être réalisée en procédant de la sorte, nous prenons l’exemple d’un professionnel libéral marié, avec deux enfants à charge, exerçant une profession libérale qui réalise environ 260 000 € de Bénéfices Non Commerciaux (BNC) annuels (nous ne prenons pas en compte les revenus du conjoint).

I. Première étape : diversifier ses sources de revenus

La création d’une structure sociétale vise à catégoriser les revenus du contribuable. Cette stratégie permet de modifier les sources de revenus pour limiter l’impact du barème progressif lequel, dans notre exemple, taxe près de 60 % des revenus du professionnel libéral aux taux supérieurs à 30 %.

Ainsi, en exploitant en société, le contribuable peut diversifier ses sources de revenus, en sortant une partie de ses revenus du régime des BNC pour les intégrer dans une nouvelle catégorie, celle des Revenus de Capitaux Mobiliers (RCM), laquelle répond à un régime fiscal qui lui est propre et ne dépend pas du barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Voici donc deux catégories de revenus au lieu d’une :

  • Les traitements et salaires pour lesquels le Trésor Public applique le barème progressif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (qui par défaut s’applique à la totalité des BNC).
  • Les RCM qui bénéficient du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) dont le taux est fixé à 30 %.

Une fois les sources de revenus créées, il reste à arbitrer entre les catégories.

II. Seconde étape : classer ses revenus

Le classement des revenus obéit prosaïquement aux règles suivantes :

  • Le travail quotidien est rémunéré périodiquement ;
  • Les bénéfices de l’entreprise libérale sont rémunérés annuellement sous forme de dividendes.

 Le travail quotidien est rémunéré périodiquement

Le travail habituel, c’est-à-dire la tâche à laquelle le professionnel libéral consacre la majorité de sa charge quotidienne de travail, est rémunéré périodiquement, généralement mensuellement.

A ce titre, le professionnel libéral, pris ès qualité de « travailleur », peut être salarié de l’entreprise ou non salarié.

Juridiquement, l’instauration d’un salaire suppose la signature d’un contrat de travail qui fixe le cadre de la collaboration avec l’entreprise.

Salarié ou non salarié de son entreprise, que faut-il privilégier ?

Le salariat permet d’optimiser les cotisations retraite. En effet, les cotisations retraites du Travailleur Non Salarié (TNS) sont plafonnées à 20 795 €, à partir de 164 544 € de revenus annuels. En revanche, un salarié qui dispose d’un revenu net de 70 000 € peut cotiser plus qu’un TNS qui aurait déjà atteint le plafond. La rémunération nécessaire à la création des mêmes droits à la retraite est nettement inférieure dans le régime salarial par rapport au régime non salarial. Le statut de salarié a donc pour insigne intérêt de permettre d’organiser ses prestations post activité professionnelle, là où les TNS doivent cumuler de gros revenus pour avoir de faibles pensions. En outre, l’écart constaté dans les cotisations devra être investi par le TNS pour compléter ses revenus de retraite

En contrepartie, le statut de salarié coûte davantage à l’entreprise qui l’emploie puisque les charges salariales et patronales sont plus élevées que celles du statut de TNS. En conséquence, il réduit les bénéfices potentiels de l’entreprise.

Pour un revenu net annuel de 70 000 €, le cout total pour l’entreprise sera d’environ 120 000 €.

Précisons que suivant la forme de la société (SARL, SAS…), la rémunération du dirigeant peut être qualifiée d’office de « non salariée ». Le choix du statut de salarié ou non doit donc être arrêté au stade de la constitution de la société.

Quoi qu’il en soit, salarié ou non, les revenus perçus périodiquement visant à rémunérer le travail quotidien sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Le montant de la rémunération fixée à ce titre doit permettre de tenir compte de la progressivité des tranches afin d’éviter, dans la mesure du possible, d’empiéter sur les tranches supérieures du barème (41% / 45%). Cette rémunération doit être calibrée en fonction du train de vie du foyer pour lui permettre de faire face à ses dépenses incompressibles et du passage aux tranches supérieures à 30 %.

  • Les bénéfices de vos entreprises seront rémunérés sous forme de dividendes.

Les dividendes rémunèrent le résultat d’une entreprise, autrement dit la capacité à générer du bénéfice. Chaque profession libérale peut générer une quantité de travail équivalente pour accomplir ses tâches, mais son résultat dépendra de la qualité de son travail, de son savoir-faire

La distribution du résultat d’une entreprise sous forme de dividendes permet, après le paiement de l’impôt sur les sociétés, de se départir du barème progressif de l’impôt sur le revenu pour bénéficier du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU). Son taux est unique à savoir 30 % divisé entre l’impôt sur le revenu (12,8 %) et les prélèvements sociaux (17,2 %).

Tout ce qui n’est pas classé dans la partie rémunération périodique du travail quotidien est ainsi soumis au PFU.

Pour reprendre notre exemple, sur la base d’un revenu 2021 distribuable d’environ 260 000 € et en comptabilisant une rémunération de gérance de 70 000 € pour cette année, le montant des dividendes aurait été de 99 750 € (presque 40 % du cout de la rémunération du dirigeant pour l’entreprise).

BNC Rémunération de gérance + Dividendes Écart
Cout entreprise 258 213 € 258 461 € + 248 €
Salaires 70 000 €
Charges sociales 65 216 € 28 960 €
Résultat 192 997 € 159 501€
Impôt sur les Sociétés 30 000 €
Dividende brut 99 750 €
Impôt sur les revenus professionnels 50 698 € 19 034 €
Revenus disponible 142 299 € 150 716 € + 8 417 €
Cotisations productives de droits 22 098 € 21 552 € -546 €

Nous constatons, après la mise en place d’une stratégie de rémunération, qu’il ressort un revenu disponible augmenté de 8 417 € à cotisations retraite quasiment égales.

 

Conclusion

Plus les revenus sont élevés, plus la stratégie de rémunération s’avère intéressante.

Il reste toutefois à définir les montants à classer dans la catégorie des salaires/rémunération de gérance et dans celle des dividendes. Cette répartition doit être savamment réfléchie avec un professionnel et en fonction de divers objectifs tels que le montant des cotisations retraites, le niveau d’optimisation fiscale choisie, mais aussi le choix de la forme sociale. Car au moment de l’adoption des statuts de la société destinée à accueillir l’activité libérale, il convient également d’analyser la situation du contribuable en fonction de ses objectifs, afin d’affiner et parfaire la stratégie de rémunération.