Une société civile immobilière (SCI) peut être constituée afin d’y loger une résidence principale. On songe immédiatement aux concubins par exemple. La SCI peut aussi avoir été créée en vue de conserver un bien dans la famille, ou encore pour détenir une résidence secondaire, un local professionnel, un immeuble commercial… dont les parents anticipent la transmission aux enfants (éviter l’indivision, optimiser la fiscalité…). Les associés peuvent-ils jouir gratuitement du bien détenu par la SCI ?

1. Possibilité de principe

Aucune règle n’interdit à une SCI de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite de ses associés.

Attention toutefois : si les statuts de la SCI n’indiquent pas, dans l’objet social, la faculté d’une mise à disposition gratuite au profit des associés, celle-ci devra être autorisée en assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts. Autrement dit, le gérant seul ne pourra décider de cette occupation gratuite.

Par ailleurs, contrairement au preneur qui tient ses droits d’un contrat de bail, la mise à disposition gratuite par la SCI ne confère aucun droit à l’occupant. Et ce, même si l’associé occupant paie lui-même les charges et impôts afférents à l’immeuble. Si la SCI veut récupérer les lieux, elle devra simplement respecter un délai raisonnable.

2. Conséquences fiscales

Si la SCI met gratuitement à la disposition de ses associés l’un de ses biens, il faut distinguer suivant que la SCI est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) ou non.

a. SCI soumise à l’IS

Dans le 1er cas, l’administration fiscale dispose d’un fusil à deux coups lui permettant d’imposer cette mise à disposition gratuite, analysée en un « acte anormal de gestion », c’est-à-dire un acte contraire à ses intérêts :

– D’une part, elle peut taxer la SCI qui s’est indûment appauvrie en réintégrant aux résultats soumis à l’IS les loyers manquants. Le fisc est ainsi en droit d’imposer les loyers qui auraient pu être perçus par la SCI, suivant la valeur locative de l’immeuble. Les charges relatives à l’immeuble pourront en contrepartie être déduites.

– D’autre part, le fisc peut imposer l’associé qui s’est indûment enrichi avec taxation de l’avantage en nature qui constitue un supplément de revenu réputé distribué imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Et pour échapper au risque de redressement fiscal, il ne suffit pas de verser une somme dérisoire en guise de loyer. Si l’administration estime que l’écart entre le loyer pratiqué et la valeur locative du bien est trop important, elle effectuera un redressement fiscal de la différence constatée. Le seul versement d’un faible loyer n’est pas apte à éliminer le risque d’une qualification d’acte anormal de gestion.

b. SCI non soumise à l’IS

Dans le 2nd cas, la mise à disposition gratuite par la SCI non soumise à l’IS n’entraine pas pour le fisc de perception de l’impôt sur le revenu des loyers qui auraient pu être perçus, à condition toutefois que l’immeuble soit à usage d’habitation. Mais en contrepartie, les charges afférentes au logement ne peuvent être déduites. Si le bien immobilier de la société n’est pas un logement, sa valeur locative est alors en principe imposable.

Quid de la déclaration d’impôt annuelle ? Si la SCI ne perçoit aucun revenu et qu’aucune rémunération n’est versée aux associés, une seule déclaration 2072 doit être déposée l’année de constitution de la SCI. Pour les autres années, aucune déclaration ne doit être déposée (sous certaines conditions). Voilà une mesure simplificatrice bienvenue !

Quid de l’exonération de plus-value en cas de vente du bien immobilier mis à disposition ? Lorsqu’un bien immobilier constitue la résidence principale du cédant, la plus-value en cas de vente dudit bien est exonérée d’impôt.

Qu’en est-il si le bien mis à la disposition par la SCI non IS constitue la résidence principale de l’associé bénéficiaire ? Contrairement à une idée reçue, l’associé profite de l’exonération d’impôt sur la plus-value, comme s’il était propriétaire de sa résidence principale. L’exonération ne porte toutefois que sur la fraction de l’immeuble occupé par l’associé à titre de résidence principale, et seulement sur la quote-part revenant à cet associé. Mais si l’associé est usufruitier de l’ensemble des parts de la SCI, et que les statuts ont été soigneusement rédigés, c’est toute la plus-value issue de la vente de l’actif de la SCI qui est exonérée.

En conclusion, avant d’envisager une acquisition par l’intermédiaire d’une SCI, il est indispensable de cerner précisément les objectifs visés afin d’adopter les statuts et le régime fiscal correspondant.