Deux avant-contrats sont principalement à la disposition des parties qui envisagent une vente immobilière : la promesse unilatérale et la promesse synallagmatique de vente. Quelles sont leurs différences ? Laquelle des deux choisir, pour le chef d’entreprise qui achète les murs de son exploitation ?

 

Avec le développement de son activité professionnelle et s’il en a l’opportunité, le chef d’entreprise décide bien souvent de se porter acquéreur des murs de son exploitation.

Passée l’analyse préalable relative aux modalités d’acquisition de l’immobilier dit « d’entreprise » (un choix doit être réalisé entre la création d’une structure immobilière dédiée et l’inscription de l’immeuble, en pleine propriété ou en usufruit, au bilan de l’entreprise), la phase contractuelle débute par la conclusion d’un avant-contrat. Cet acte matérialise l’accord du propriétaire et du candidat acquéreur, avant la régularisation de l’acte définitif.

L’avant-contrat est un contrat en tant que tel, duquel sont issus des droits et des obligations pour les deux parties.

Hormis le cas de la vente en l’état futur d’achèvement qui doit être précédée d’un avant-contrat dit « de réservation », deux principaux types d’avant-contrat sont à la disposition des parties : la promesse unilatérale de vente et la promesse synallagmatique de vente. Ces deux catégories de promesse supportent naturellement l’insertion de clauses diverses telles que des conditions suspensives ou des clauses pénales. Elles n’en demeurent pas moins fondamentalement différentes dans leur principe.

Alors quelle promesse choisir ? Le chef d’entreprise, mû par des considérations d’ordre purement pratique à l’exclusion de tout débat théorique, entend essentiellement que la promesse signée engage définitivement le propriétaire, que celui-ci ne puisse pas refuser de signer la vente définitive et qu’il ne puisse pas vendre à un tiers. Si l’acquéreur sur le point de signer la promesse est encore incertain sur le projet ou sur ses conditions financières, il pourrait également orienter son choix en se ménageant une porte de sortie.

 

  1. Premier critère de choix : la portée de l’engagement du chef d’entreprise acquéreur

 

La promesse unilatérale de vente est un contrat par lequel le vendeur (promettant) consent à un candidat acquéreur (bénéficiaire) la faculté d’acquérir son bien à un prix fixé, lorsque ce dernier manifestera son intention d’acheter. Muni d’un tel avant-contrat, le chef d’entreprise dispose d’une option d’achat, lui laissant ainsi la possibilité de ne pas acheter, tandis que le propriétaire est définitivement engagé à vendre.

Si le chef d’entreprise souhaite « mettre une option » sur un bien immobilier, sans avoir la certitude de se porter définitivement acquéreur, il préférera s’engager dans les termes d’une promesse unilatérale.

Sauf l’hypothèse où des conditions suspensives stipulées en faveur du bénéficiaire n’auraient pas été accomplies (telles que l’obtention d’un crédit), celui-ci devra toutefois s’acquitter du paiement d’une indemnité d’immobilisation. Le montant de cette indemnité, non révisable par le juge, est généralement fixé à 10 % du prix de vente, mais il demeure négociable entre les parties. A noter cependant qu’une indemnité d’immobilisation d’un montant trop élevé (supérieur à 30 % du prix de vente) risquerait d’entrainer une requalification de la promesse unilatérale de vente en promesse synallagmatique.

Or, dans une promesse synallagmatique de vente, souvent nommée en pratique « compromis de vente », vendeur et acquéreur sont tous les deux définitivement engagés respectivement à vendre et à acheter. Le chef d’entreprise qui serait lié par un tel contrat ne pourrait donc pas unilatéralement renoncer au projet d’acquisition (sauf en présence d’une clause de dédit, avec ou sans contrepartie, qui aurait été insérée au contrat). Et si, en dépit de ses engagements, l’acquéreur refusait de se présenter à la signature de la vente définitive, le vendeur pourrait engager une procédure d’exécution forcée.

En théorie, l’acquéreur est « pieds et mains liés » par ce type d’avant-contrat, a priori davantage protecteur, à cet égard, des intérêts du propriétaire. En pratique néanmoins, on constate que l’abandon du projet d’acquisition résulte généralement de l’absence d’obtention du financement nécessaire, par hypothèse non érigé en condition suspensive. Le propriétaire ne sera donc pas nécessairement enclin à agir en exécution forcée à l’encontre d’un acquéreur éconduit par les établissements de crédit. Surtout si l’on songe aux délais de la procédure durant laquelle le bien sera immobilisé.

La clause pénale peut être révisée par le juge, pas l’indemnité d’immobilisation

Le propriétaire pourrait préférer actionner la clause pénale qui aura été judicieusement insérée au contrat. Pratiquement donc, l’acquéreur recouvrerait sa liberté moyennant une somme à verser comme en matière de promesse unilatérale. Mais contrairement à l’indemnité d’immobilisation, la clause pénale est soumise au pouvoir de révision du juge, lequel pourrait décider d’en augmenter le montant, ou de le diminuer. Surtout, l’action judiciaire en paiement de la clause pénale contenue dans un contrat synallagmatique de vente a également pour effet d’immobiliser le bien le temps de la procédure.

En d’autres termes, en cas de défaillance de l’acquéreur lié par une promesse synallagmatique de vente, la procédure judiciaire en exécution forcée ou en paiement de la clause pénale a pour effet de paralyser le bien, au grand dam du propriétaire qui ne peut le remettre sur le marché. A l’inverse, au terme de l’option laissée au bénéficiaire d’une promesse unilatérale, le promettant est en mesure de réclamer judiciairement le règlement de l’indemnité d’immobilisation tout en cherchant un nouvel acquéreur.

Les intérêts du propriétaire et ceux du candidat acquéreur convergent donc ici vers le choix d’une promesse unilatérale.

 

2. Deuxième critère de choix : la portée de l’engagement du propriétaire

  • Faculté de rétractation du propriétaire

De prime abord, quelle que soit la nature de la promesse, le chef d’entreprise obtient du propriétaire un engagement ferme et définitif de vendre.

Et pourtant, jusqu’à la réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (Ord. 2016-131), la jurisprudence admettait qu’un propriétaire engagé dans une promesse unilatérale de vente puisse se rétracter avant que le bénéficiaire de la promesse ne lève l’option (arrêt fondateur : Cass. 3e civ. 15-12-1993 n° 91-10.199 : Bull. civ. 3 n° 174). Le candidat acquéreur évincé en dépit du contrat de promesse n’avait droit qu’à des dommages et intérêts (Cass. civ. 3e 28-10-2003 n° 02-14.459 F-D). Voilà un argument fort qui militait en faveur de la promesse synallagmatique de vente pour le candidat acquéreur !

Avec l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur, est venu rééquilibrer le débat en insérant un nouvel article 1124, alinéa 2 dans le Code civil, disposant que la révocation de la promesse unilatérale pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Le candidat acquéreur est donc aujourd’hui autorisé à lever l’option qui lui a été consentie par un propriétaire, quand bien même ce dernier se serait rétracté, et à engager au besoin une action en exécution forcée. Bien entendu, ce nouveau texte ne vaut que pour l’avenir et donc pour les promesses conclues après l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats fixée au 1er octobre 2016.

Finalement, en guise d’épilogue, le juge a renversé sa doctrine en s’alignant sur la position du législateur dans un arrêt du 23 juin 2021 (Cass. 3è civ. 23-6-2021 n° 20-17.554 FS-B) : ce sont dorénavant tous les bénéficiaires d’une promesse unilatérale de vente, quelle que soit la date de conclusion du contrat, qui peuvent lever l’option en dépit d’une rétractation du promettant, et agir en exécution forcée.

Face à la versatilité d’un propriétaire capricieux, le chef d’entreprise a donc le choix des armes, promesse unilatérale ou promesse synallagmatique, toutes les deux aussi efficaces. Et l’adjonction d’une clause pénale, possible dans les deux contrats bien que rare en matière de promesse unilatérale, permet d’asseoir davantage la sécurité du candidat acquéreur.

  • Vente à un tiers en violation de la promesse de vente

Qu’en est-il de l’hypothèse où le propriétaire, pourtant lié par un contrat de promesse de vente, décide malhonnêtement de vendre son bien immobilier à une autre personne, laquelle proposerait un prix plus élevé par exemple ?

Pour connaître lequel des deux acquéreurs successifs doit primer, deux solutions sont concevables : soit la priorité est accordée à celui qui obtient son droit en premier, c’est-à-dire à celui qui tient entre ses mains une promesse ayant une date certaine antérieure au droit de l’autre ; soit l’on fait primer celui qui publie son droit au service de la publicité foncière en premier.

Depuis un arrêt du 10 février 2010 (Cass. 3e 10-2-2010 n° 08-21.656 FS-PB), le juge donnait la priorité à l’acquéreur qui publiait son droit en premier, qu’il soit ou non de bonne foi. Seul le concert frauduleux entre le propriétaire et le tiers acquéreur pouvait entrainer la nullité de la seconde cession publiée en premier. Peu importe que le chef d’entreprise ait conclu en premier un contrat de vente, si le tiers publiait plus rapidement son titre, il primait.

La réforme des contrats de 2016 a modifié la règle puisqu’en matière de promesse synallagmatique de vente, qui vaut en principe vente, le législateur ne fait désormais prévaloir le second acquéreur qui publie son titre avec célérité que s’il est de bonne foi (C. civ. art. 1198). Il ne pèse plus sur l’acquéreur évincé que la charge de la preuve de la connaissance qu’avait le tiers de la première cession, et non la complicité entre ce dernier et le vendeur. Pour s’épargner cette contrainte, le dirigeant d’entreprise a tout intérêt à requérir la publication de son droit, ce qui suppose que la promesse ait été conclue en la forme authentique.

Il en est en de même en ce qui concerne les promesses unilatérales de vente. L’article 1124, alinéa 3 du Code civil dispose que le « contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». Peu importe que la vente ait été publiée, dès lors que le tiers acquéreur avait connaissance de la promesse unilatérale préexistante. Pour constituer la mauvaise foi de tout potentiel tiers acquéreur, le candidat acquéreur a-t-il intérêt à publier sa promesse unilatérale ? A l’inverse de la publication au service de la publicité foncière d’une promesse synallagmatique, laquelle confère à cette dernière l’opposabilité aux tiers et donc à un potentiel second acquéreur, la publication d’une promesse unilatérale n’a qu’un effet informatif. Associée au nouvel article 1124, alinéa 3 du Code civil, cette publication prend tous les traits d’une opposabilité. Tout notaire requis de recevoir une vente doit en effet au préalable interroger le fichier immobilier; avisé de l’existence d’une promesse unilatérale à la faveur d’une publication, le notaire informera à son tour le tiers acquéreur, dont la mauvaise foi sera nécessairement caractérisée, et refusera d’instrumenter sachant l’acte à recevoir annulable.

Par conséquent, promesse synallagmatique et promesse unilatérale se valent pour limiter le risque d’une vente à un tiers. Toutefois, en pratique, la publication d’une promesse est rare. Elle n’intervient généralement que si le premier acquéreur « sent le vent tourner ». A ce moment-là, il est peut-être déjà trop tard, compte tenu compte tenu des délais liés à l’accomplissement de la publicité foncière…

 

3. Troisième critère de choix : la marge de négociation du chef d’entreprise acquéreur

Particulièrement en matière d’immobilier d’entreprise, le propriétaire est souvent pressé de vendre, le candidat acquéreur accepte des délais de promesse serrés pour « emporter la mise », parfois sans condition suspensive de crédit. Nous constatons régulièrement des retards dans l’obtention des financements.

Que se passe-t-il si au terme de la promesse, l’acquéreur n’est pas en mesure de payer le prix ?

Nous l’avons vu, au terme de l’option laissée au bénéficiaire d’une promesse unilatérale, le promettant peut chercher un nouvel acquéreur tout en réclamant le paiement de l’indemnité d’immobilisation. Le candidat acquéreur ne dispose d’aucun « moyen de pression ».

En revanche, le vendeur n’est délié d’une promesse synallagmatique arrivée à son terme qu’après la constatation judiciaire de la défaillance de l’acquéreur. Durant l’instance, le bien est indisponible. Dans ces circonstances, l’acquéreur est davantage en mesure de solliciter du vendeur des délais supplémentaires, à la faveur d’un avenant à l’avant-contrat, voire même à obtenir une diminution du prix de vente lorsque le vendeur doit vendre dans l’urgence. Le candidat acquéreur prêtera toutefois une attention particulière à la rédaction de l’avant-contrat, et vérifiera en particulier qu’il ne comporte pas de clause résolutoire expresse (C. civ. Art. 1125, al. 2), également appelée pacte commissoire exprès, permettant la résolution de plein droit sans recours au juge du seul fait de l’inexécution de ses obligations par l’une des parties.

L’acquéreur devra vérifier l’absence de pacte commissoire dans la promesse

 

Conclusion

Le choix de la nature de l’avant-contrat dépend naturellement de la situation propre à chaque dirigeant d’entreprise. Néanmoins, dès lors qu’il est certain de vouloir acquérir le bien immobilier ciblé, la promesse synallagmatique de vente, plus contraignante pour le vendeur, apparaît comme la formule la plus protectrice de ses intérêts.