Le démembrement de propriété, technique éprouvée de gestion et de transmission du patrimoine, doit, préalablement à sa constitution, systématiquement faire l’objet d’une analyse d’ensemble de la situation propre à chaque contribuable. Et lorsque ce dernier est assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), il est nécessaire de bien appréhender les conséquences d’un démembrement de propriété sur cet impôt. Plus prosaïquement : qui de l’usufruitier ou du nu-propriétaire en est le redevable ?

 

1. Le principe : l’usufruitier paie l’impôt

 

 

Bien que le démembrement aboutisse à une division juridique du bien immobilier dans au moins deux patrimoines, celui du l’usufruitier et celui du nu-propriétaire, le bien est en principe compris dans le patrimoine taxable à l’IFI du seul l’usufruitier, pour sa valeur en pleine propriété. Le nu-propriétaire n’est donc pas concerné par le paiement de l’IFI.

Il en résulte que si l’usufruitier est naturellement admis à déduire le passif qui lui incombe personnellement à raison du bien démembré, il ne peut en revanche employer le passif contracté par le nu-propriétaire pour réduire l’assiette de son IFI. Il est à noter que le nu-propriétaire, qui serait également assujetti par ailleurs à l’IFI, ne pourrait pas davantage déduire les dettes afférentes au bien démembré.

Ainsi, par exemple, le parent qui donne la nue-propriété d’un bien immobilier à un enfant, conserve la charge intégrale de l’IFI sur le bien démembré. Et ce principe demeure y compris dans le cas où l’enfant vend ultérieurement sa nue-propriété à un tiers : le parent initialement donateur reste redevable de l’IFI sur la valeur de la pleine propriété du bien.

Autre situation rencontrée fréquemment : achat en démembrement d’un bien immobilier, l’usufruit pour les patents, la nue-propriété pour les enfants ; les premiers restent redevables de l’IFI sur la valeur de la pleine propriété du bien.

Et en cas d’apport pur et simple de la nue-propriété d’un bien à une société ? Ici encore, l’usufruitier apporteur est tenu de déclarer dans son patrimoine la valeur en pleine propriété du bien démembré. En revanche, il n’est pas tenu de déclarer à l’IFI la valeur des parts sociales, afin de ne pas être imposé deux fois sur le même bien. Mais s’il cède ses parts, le cessionnaire sera tenu de déclarer à l’IFI la valeur des parts sociales à due concurrence de la nue-propriété, alors même que le cédant, resté usufruitier, paie l’IFI sur la valeur totale du bien. En outre, il faut rappeler que les autres associés seront en tout état de cause redevables de l’IFI sur la valeur de la nue-propriété de l’actif imposable inscrite à l’actif de la société.

 

2. Les exceptions : la charge de l’impôt est répartie entre l’usufruitier et le nu-propriétaire

 

 

Dans certains cas limitativement énumérés, le législateur répartit la charge de l’IFI entre les titulaires des droits démembrés.

Nous évoquerons ici les principales hypothèses.

Dans le domaine successoral, le conjoint survivant peut hériter de l’usufruit de biens immobiliers. S’il hérite de cet usufruit en vertu de la loi, la charge de l’IFI est partagée entre le conjoint survivant et les enfants nus-propriétaires. En revanche, si l’usufruit du conjoint résulte d’un testament ou d’une donation entre époux, le principe de la taxation de la totalité du bien chez l’usufruitier recouvre son empire.

A retenir : au décès d’un époux, une réflexion doit être menée afin de déterminer l’opportunité d’opter pour l’usufruit légal ou pour l’usufruit conventionnel, suivant la configuration familiale et les IFI à la charge de l’usufruitier et des enfants nus-propriétaires.

Toujours en matière de succession, on relèvera l’assujettissement à l’IFI partagé dans l’hypothèse où un enfant issu d’un premier lit oblige le conjoint survivant à convertir son héritage en usufruit.

Une exception existe également en matière de vente : lorsque le vendeur se réserve un usufruit, son patrimoine taxable à l’IFI est évidemment délesté de la nue-propriété du bien ainsi vendu. L’acquéreur, s’il est assujetti à l’IFI, doit de son côté déclarer la valeur de la nue-propriété.

Attention toutefois : si l’acquéreur est un présomptif héritier (ou un de ses descendants) du vendeur usufruitier, ou encore un donataire ou légataire du vendeur usufruitier, ainsi que toute personne interposée, le bien est taxable à l’IFI en intégralité chez le vendeur.

Une autre exception à la taxation « plein pot » chez l’usufruitier concerne les donations ou les legs en nue-propriété au profit à l’État, aux départements, aux communes ou syndicats de communes et leurs établissements publics, aux établissements publics nationaux à caractère administratif et aux associations reconnues d’utilité publique. Sous conditions, il en est de même en cas de dons ou legs effectués avec réserve d’usufruit au profit d’une fondation reconnue d’utilité publique.

Ainsi que nous l’avons indiqué, ces exceptions sont strictement limitées et encadrées. Il est nécessaire de réaliser une analyse au cas par cas pour s’assurer de l’identité du ou des redevables à l’issue de l’opération envisagée. Ajoutons que si l’exception permet la répartition de la charge de l’IFI entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, l’exception s’estompe et cesse de produire son effet répartiteur dès lors que l’usufruitier vend ou cède à titre gratuit son droit.

 

Pour conclure, relevons que l’anticipation d’une succession à la faveur d’une donation en nue-propriété ne se conjugue pas avec l’objectif de réduction de l’assiette de l’IFI. Pour réduire l’assiette de l’IFI, c’est au contraire la cession d’un usufruit temporaire qu’il faut envisager.